Mercredi 21 janvier 2015 : Une réunion avec les membres du Conseil exécutif sur les «Sciences pour le développement et la coopération internationale» a été organisée le mercredi 21 janvier en salle X. Il s’agissait de la cinquième réunion d’information organisée dans le cadre de la série de rencontres prévue par la décision du Conseil exécutif sur « l’UNESCO à 70 ans et perspectives d’avenir » (décision 194 EX/31).

Cette réunion s’est articulée en deux parties. La première session était consacrée au thème portant sur « Les sciences fondamentales et l’éducation scientifique pour le développement», avec la participation des personnalités suivantes:

  • M. le Professeur Bill Phillips, Prix Nobel de Physique1997 (études sur les lasers) (Etats-Unis d’Amérique)
  • M. le Professeur Sune Svanberg, ancien Président du Comité Nobel de Physique (Suède)
  • M. le Professeur John Dudley, Président du Comité de pilotage de l’Année internationale de la lumière (Nouvelle-Zélande)

Discours d’introduction de la Directrice générale de l’UNESCO Madame Irina Bokova :

Dans son discours d’ouverture, la Directrice Générale a vivement salué l’initiative du Président du Conseil d’organiser une réunion à ce sujet, à l’heure où l’UNESCO lance la célébration de l’Année internationale de la lumière. Madame Bokova a fait remarquer que la lettre « S » de l’acronyme UNESCO fut introduite tardivement, lors de la conférence constituante de novembre 1945, à Londres. Depuis, « les sciences sont au cœur du travail de l’UNESCO . ». « Les Sciences peuvent réunir les individus, quelles que soient leurs origines, autour d’un but commun : celui de la recherche de la vérité factuelle. » La Directrice a également rappelé que l’UNESCO venait de réunir le Conseil consultatif scientifique auprès du Secrétaire général des Nations Unies, dont le but est de renforcer le dialogue entre les scientifiques et les politiques. Dans ce domaine, l’UNESCO a un rôle capital à jouer, par la promotion de « l’éducation scientifique, surtout pour les filles et les femmes, pour développer des politiques scientifiques, technologiques et d’innovation, en s’appuyant notamment sur une coopération sud-sud. »

Introduction par le Président du Conseil exécutif de l’UNESCO , S.Exe. M. Mohamed Sameh Amr :

Le Président du Conseil Exécutif a ensuite interrogé les scientifiques, qui ont été invités à répondre aux questions suivantes : « Selon votre point de vue, quel est l’impact concret de l’année internationale de la lumière ? », « Comment expliquer la diminution de l’intérêt que les jeunes portent à la Science et comment faire face à ce phénomène? », « De quelle manière l’existence du Prix Nobel peut-il avoir un impact positif sur la qualité de la Science? »

Présentation du professeur John Dudley, Président du Comité de pilotage de l’Année internationale de la lumière (Nouvelle-Zélande) :

Monsieur Dudley s’est attaché à répondre à la première question, et a fait remarquer que la création des années internationales scientifiques permet la promotion de sujets scientifiques. Il a fait remarquer qu’il était néanmoins nécessaire de mettre en place une meilleure coordination entre politiques et scientifiques. Le professeur a insisté sur l’importance de la technologie de la lumière, technique coûteuse mais aussi très utile. Ainsi, à New York, l’année internationale de la lumière a été rebaptisée « année internationale de la lumière et des technologies à base de lumière ». Les scientifiques doivent défendre le rôle capital de la Science et la nécessité d’une révolution scientifique.

Présentation du professeur William (Bill) Phillips, Prix Nobel de Physique1997 (études sur les lasers) (Etats-Unis d’Amérique) :

Le professeur Phillips a alerté l’auditoire sur les risques liés à la diminution de l’intérêt des jeunes pour la Science, alors même qu’une grande partie du développement mondial dépend de la recherche scientifique. En réalité, les grandes innovations trouvent leur origine dans les Universités, et sont ensuite exploitées par les entreprises privées. Le professeur a déploré le manque d’intérêt pour la Science de la part des filles, ce qui constitue une perte regrettable pour la communauté scientifique. Il a également fait part de ses regrets quant à la dégradation de l’image de la Science, perçue comme « une source de problèmes plutôt qu’une source de solutions. » Aujourd’hui, les jeunes se tournent en priorité vers d’autres filières, comme le Droit ou l’Economie, et la Science perd de nombreux jeunes pleins de talent, qui constituent ses «principales ressources ».

Présentation du professeur Sune Svanberg, ancien Président du Comité Nobel de Physique (Suède) :

« La Science réunit les gens de manière unique » et « nous fait avancer vers un monde meilleur » a déclaré le professeur Svanberg. Promouvoir cette cause est une responsabilité qui repose sur chacun de nous. Cela dit, le professeur a insisté sur la nécessité de protéger la recherche fondamentale, qui doit aller de pair avec la recherche appliquée. A l’heure actuelle, de nombreux risques pourraient être évités grâce au développement de la recherche fondamentale, comme l’augmentation de la résistance aux antibiotiques, ou la disparition de certaines espèces. C’est pourquoi la Science et l’Education doivent être renforcées. Ainsi, le Prix Nobel est une distinction permettant une revalorisation du rôle de la Science, qui doit néanmoins s’accompagner d’une revalorisation de l’enseignement scientifique.

Session de Questions/Réponses avec les Membres du Conseil exécutif de l’UNESCO :

Le représentant du Mexique a interrogé les scientifiques sur la manière dont l’UNESCO pourrait promouvoir l’interface Science/Politique.

Le professeur Dudley a encouragé l’UNESCO à se servir d’avantage de sa capacité à rassembler les ONG et les multinationales. Le professeur Phillips, lui, a fait remarquer que le principal écart entre ces deux sphères était dû à une perception différente de l’échelle des temps : les fruits des recherches fondamentales ne sont visibles que des décennies voir des siècles plus tard alors que les politiques ont des échelles à court terme. L’une des réponses à cette dichotomie est l’éducation.

D’autres représentants ont interrogé les scientifiques sur la manière dont pouvaient être développées les Sciences en Afrique, dans les pays où les infrastructures sont insuffisantes, les professeurs manquent, et où certains villages sont dépourvus d’électricité. (Gambie, Togo)

Face à ces difficultés, les professeurs ont apporté diverses solutions : le recours aux cours en lignes, et aux « MOOCs » (Massive Open Online Courses - cours en ligne ouvert et massif), ainsi qu’aux diodes électroluminescentes, les « LED », capables d’émettre de la lumière. La création de lunettes avec des matériaux recyclés a également été évoquée par le professeur Dudley.

Le lien entre les Sciences et l’Ethique a également été évoqué par certains délégués (Mexique, Italie, Iran). Le professeur Svanberg a fait remarquer que les conséquences néfastes de certaines recherches scientifiques n’étaient pas toujours prévisibles, et qu’il avait lui-même dû mettre fin à une recherche qui portait sur des « carburants bon marché » du fait du risque d’une utilisation militaire des fruits de sa recherche. L’usage éthique de la Science a également été mentionné par le délégué de la République Islamique d’Iran qui introduit l’idée d’un accès éthique et universel à la Science.

La représentante de la Tunisie a déploré l’absence de Prix Nobels dans les pays du Sud, que le professeur Svanberg a justifié par des facteurs de développement et d’avancées de la Science dans les pays du Sud. Sur ce point, Bill Phillips a précisé que la clé n’était pas de se demander de quelle manière peut-on obtenir le Prix Nobel, mais comment développer ses recherches, sa créativité.

La deuxième session traitait du thème des « Politiques scientifiques pour la coopération Nord-Sud et Sud-Sud», avec les invités suivants:

  • Mme Naledi Pandor, Ministre des Sciences et de la Technologie (Afrique du Sud)
  • Mme Ana Maria Cetto, ancienne Directrice générale adjointe de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) and ancienne Secrétaire générale du Conseil international pour la Science (ICSU) (Mexique)
  • M. Jose Mariano Gago, ancien Ministre des Sciences et de la Technologie (Portugal)

Le Président du Conseil Exécutif a posé aux invités la question suivante : « En tenant compte du lien entre la Science et le politique, quelle est selon vous, le rôle de l’UNESCO et sa valeur ajoutée dans la promotion des Sciences pour le développement durable ?»

Présentation de Mme Naledi Pandor, Ministre des Sciences et de la Technologie (Afrique du Sud) :

Lors de sa présentation, Madame Naledi Pandor a insisté sur la nécessité d’un soutien et d’une croissance de la recherche scientifique. Le rôle que l’UNESCO et celui d’assurer la coopération multilatérale entre les Institutions, de promouvoir les partenariats. Madame la Ministre a également fait part des avancées de la Science sur son continent : un récent rapport de la Banque mondiale montre bien que la recherche sub-saharienne connaît une croissance qualitative et quantitative. Elle a insisté sur la nécessité de la coopération internationale, qui permet de renforcer la construction de connaissances dans le domaine des Sciences et de la Technologie.

Présentation du professeur Ana Maria Cetto, ancienne Directrice générale adjointe de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) and ancienne Secrétaire générale du Conseil international pour la Science (ICSU) (Mexique) :

Madame Cetto a souhaité rappeler les avancées qu’avaient permises la Conférence mondiale sur la Science, organisée par l’UNESCO et le Conseil international pour la science en juin 1999. Quinze ans plus tard, les enjeux sont différents, mais faire le lien entre la Science et l’Economie reste fondamental. Le professeur a encouragé l’établissement d’un dialogue au sein de la communauté, qui apporterait des bénéfices à un niveau mondial, et a réaffirmé le rôle crucial de l’UNESCO dans la Diplomatie Scientifique. Indépendamment des orientations politiques de chaque pays, ceux-ci doivent procéder à un partage des connaissances scientifiques. L’UNESCO est le médiateur par excellence pour cette tâche.

Présentation du professeur Jose Mariano Gago, ancien Ministre des Sciences et de la Technologie (Portugal) :

Le professeur Gago a rappelé que l’UNESCO était bien le lieu de rencontre entre la Science et le Politique, mais aussi entre la Science et l’Education, et entre la Science et la Culture. L’UNESCO , agence des Nations Unies, agence de la paix, permet la coopération internationale, et l’absence de conflits. Selon le professeur Gago, la spécificité de l’UNESCO est d’être une interface d’échange, de permettre une coopération Nord-Sud. Le professeur Gago a également fait remarquer qu’en matière éducative, « l’UNESCO est un fournisseur de valeur ajoutée. »

Session de Questions/Réponses avec les Membres du Conseil exécutif de l’UNESCO :

Au cours de la séance de Questions-Réponses, les délégués ont évoqué les points suivants :

  • L’accès à la Science pour les pays en voie de développement : « Comment les pays pauvres peuvent-ils accéder à la Science ? » (Equateur)
  • La fuite des cerveaux : « Une fois leur thèse terminée, les étudiants ne pourraient-ils pas revenir dans leur pays d’origine et pour y appliquer les fruits de leur recherches ? » (Guinée)
  • L’exemple du centre international de Trieste : les limites de son action du fait de son impossibilité de contracter juridiquement. (Equateur)
  • Quelles sont les possibilités d’associer les chercheurs en science et les experts à la réalisation de programme de science, sans minimiser le rôle des professeurs, qui sont déjà bien impliqués dans le processus, c’est juste pour avoir un regarde externe et peut-être avoir accès à des méthodes innovantes qui encourageraient les jeunes à se concentrer plus à l’apprentissage des sciences. (Égypte)
  • Comment les sciences peuvent-ils contribuer à promouvoir des politiques innovantes en vue de la réalisation du développement durable dans nos sociétés et quel rôle à l’UNESCO, avec son réseau de partenaires et ses rapports multilatéraux ? (Égypte)
  • La possibilité d’un partage de la connaissance, d’une recherche scientifique commune et mondialisée. (Argentine)

En réponse au problème de la fuite des cerveaux, le professeur Pandor a estimé que des bases institutionnelles devaient se développer en Afrique afin d’inverser ce mouvement de fuite. Elle a précisé que dans le cas des fuites vers l’Afrique du Sud, les étudiants étaient systématiquement encouragés à revenir dans leurs pays d’origine.

Le professeur Cetto a précisé qu’adopter des politiques scientifiques était nécessaire mais insuffisant : les politiques doivent toujours être accompagnées d’une stratégie précise. Elle a également mis en garde l’auditoire contre les préjugés qui existent sur la piètre qualité des recherches en provenance des pays du Sud. La scientifique en a profité pour rappeler le rôle de l’UNESCO de combination entre l’Education et la Science, et entre la Culture et la Science.

Le professeur Gago, quant à lui, a expliqué et justifié la fuite des cerveaux. Selon lui, lorsqu’une personne possède des aptitudes dans le domaine des Sciences, et qu’elle est confrontée à l’impossibilité de développer ses connaissances, il est de son « devoir moral de partir ». Le professeur a également insisté sur la nécessité de se recentrer sur les valeurs fondamentale de la Science : la recherche de vérité.

Le point central du débat fut le lien entre l’éducation et la Science pour le développement. A ce sujet, la célèbre citation de Mandela : « L'éducation est l'arme la plus puissante que vous pouvez utiliser pour changer le monde. », qui emporta l’adhésion générale, fut rappelée. Ainsi, c’est bien sur l’UNESCO, l’Organisation des Nations Unies pour les Sciences, l’Education et la culture, que repose la mission de combler le fossé-rappelé à de nombreuses reprises par les scientifiques- existant entre le monde de la Science et celui de la Politique. L’UNESCO a un rôle phare dans cette coopération internationale, ainsi que dans le renforcement des Sciences et des Technologies, à travers ses propres programmes, l’ICTP, et les outils disponibles en ligne. La nécessité croissante de prendre en compte les connaissances scientifiques et techniques pour mettre en place une gouvernance mondiale fut également évoquée. C’est seulement ainsi que pourront progresser, à largé échelle, la santé, le bien-être et le développement. Aussi, l’UNESCO se doit de mettre en place urgemment les outils permettant de faire le lien scientifiques et politiques, afin de favoriser une prise de décision éclairée au niveau international.